Citoyens du monde, il nous faut nourrir amitiés et alliances tout en demeurant lucides sur l’urgence de conduire seuls notre destin national.
Dans nos mémoires, l’année 2023 constituera un tournant dans l’histoire moderne des Arméniens. Elle fut aussi celle de nombreux enseignements – celle de notre capacité comme organisation à agir en tant de crise et celle de la défaillance de la communauté internationale à y répondre.
Dans les mois qui précédaient la catastrophe, nous entendions le vacarme persistant des tambours annonciateurs de la guerre. Mais malgré nos cris d’alarme répétés, le monde a détourné le regard, préférant une réponse au mieux rhétorique, au pire cynique et une réaction fatalement trop tardive et timorée. Les évènements tragiques qui ont suivi nous ont rappelé ce que nous savions déjà mais refusions de croire : les Arméniens sont seuls et ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Citoyens du monde, il nous faut nourrir amitiés et alliances tout en demeurant lucides sur l’urgence de conduire seuls notre destin national.
Dans la semaine qui a suivi l’attaque azérie sur l’Artsakh, les Arméniens ont eu à faire un choix insupportable : l’exil ou la mort. En quelques jours, plus de 100 000 personnes ont été jetées sur les routes de l’exode, provoquant une catastrophe humanitaire sans précédent. La capacité de l’UGAB à répondre aux besoins qui, jour après jour, devenaient de plus en plus immenses a été une nouvelle fois impressionnante.
En quelques jours, l’UGAB nouait un partenariat avec la World Central Kitchen (WCK) pour répondre à l’enjeu le plus prioritaire : la sécurité alimentaire des milliers de familles, après plusieurs mois de blocus et donc, de malnutrition. Pendant 6 semaines, les équipes et les bénévoles de l’UGAB et de la WCK ont uni leurs forces pour préparer et offrir plus de 400 000 repas chauds grâce à la création de centres alimentaires dans 7 régions d’Arménie. Elles ont aussi distribué 31 000 paniers alimentaires pour leur permettre de se nourrir et nous poursuivons notre action en la matière. A l’approche de l’hiver, 10 000 chauffages d’appoint aux familles vivant dans des refuges temporaires ou des logements mal chauffés ont été déployés.
Cet automne, nous avons recruté un nombre important d’Arméniens d’Artsakh afin qu’ils puissent servir à cette importante opération de distribution alimentaire et ainsi, devenir des acteurs clés de cette grande chaîne de solidarité. Cette initiative constituait une première étape d’un plan plus vaste développé par l’UGAB de formation et de réinsertion professionnelle en faveur de la population déplacée d’Artsakh. Pour ce faire, nous nous sommes reposés sur des programmes existants et d’ores et déjà couronnés de succès : des cycles de formation professionnelle tels que le Programme LEAP - Learn to Earn Artsakh, celui d’autonomisation des femmes appelé « Women’s Empowerment » ou encore notre programme historique de bourses d’études. Chacun d’eux a été repensé et adapté aux besoins de ceux qui, dépourvus de tout, possèdent encore et toujours l’ardente volonté de se reconstruire.
Après avoir permis leur sécurité alimentaire, puis leur adaptation à un nouveau milieu social, il fallait répondre à l’impérieuse nécessité de subvenir à leurs besoins médicaux, tant physiques que psychologiques. A cet effet, l’UGAB a mis à leur disposition sa polyclinique d’Erevan afin de dispenser aux Arméniens d’Artsakh les soins médicaux nécessaires. Elle offre ainsi, à titre gratuit, une visite médicale par an, prodiguée par des professionnels de santé d’Artsakh spécialement recrutés pour créer un environnement convivial et nouer ainsi des relations de confiance avec un public particulièrement fragile. En plus d’un pédiatre et d’un ORL nous avons aussi fait appel à des thérapeutes spécialisés pour soulager leurs traumas. Ces professionnels venus d’Artsakh se sont joints à notre personnel medical déjà établi à Erevan, la Polyclinique de l’UGAB est ainsi en capacité de leur offrir plus de 8 000 visites médicales au cours de l’année à venir. Pour répondre aux besoins pédagogiques des enfants, particulièrement vulnérables, nous avons étendu le champ d’activités de notre Camp Nairi qui accueille jusqu’à 3 000 enfants ainsi que leurs parents. Il leur offre un environnement chaleureux et des activités de développement physique et psychologique.
Sans l’afflux de bénévoles, des quatre coins du monde, de diaspora comme d’Arménie, aucune des actions identifiées n’auraient pu être déployées. Dès le premier jour, des milliers de volontaire se sont engagés pour livrer des paniers alimentaires, distribuer des produits de première nécessité, rénover des espaces d’accueil, distribuer des cadeaux aux enfants et ainsi œuvrer à la survie et au bien être des Arméniens d’Artsakh. Chacune de leurs actions, chacun de leurs sourires, chacun de leurs regards constituaient des sources d’espoir et des raisons de croire à nouveau aux lendemains qui chantent.
Alors que l’année s’achève nous tenons à rendre hommage à chacune de ces petites mains, chacun de ces soldats de l’ombre qui, grâce à leur esprit de solidarité, ont œuvré pour leur survie grâce aux collectes de fonds, aux opérations caritatives, aux actions sur le terrain. A nos fédérations de scouts, à nos groupes de Jeunes Professionnels (Young Professionals, YP), aux volontaires du programme humanitaire Armenians Come Together (ACT) et au nom de tous ceux à qui vous avez apporté un peu d’espoir : un immense merci.
Le développement du think tank APRI – Applied Policy Research Institute of Armenia – est lui aussi un maillon supplémentaire de notre action. Après seulement deux années d’existence, il s’est imposé comme une source fiable de recherche, d’analyses rigoureuses et de contenu stratégique sur les sujets relatifs à l’Arménie et à son rôle sur la scène internationale. La qualité des documents conçus et des forums organisés par une équipe internationale ont permis de renforcer le dialogue avec des pays étrangers, des décideurs politiques et des chefs d’entreprises clé, au service de l’Arménie et des Arméniens.
Bien que cette année ait été particulièrement douloureuse et déchirante, il faut aussi mettre en lumière ce qui, cette année, nous a permis de ne pas sombrer dans le désespoir, constituant autant de sources de fierté et d’optimisme. En voyant un ancien élève de nos écoles devenir prix Nobel de médecine, en partageant dans nos publications les histoires inspirantes des Arméniens dans le monde, en apportant le sourire à des milliers d’enfants chaque année grâce à nos écoles et nos programmes, en organisant d’importants évènements, nous avons su nous retrouver, nous unir et célébrer ce que nous sommes.
Il suffit d’évoquer pour l’illustrer l’exemple du FOCUS 2023 de l’UGAB, un week-end biennal qui regroupe les jeunes générations d’Arméniens du monde entier, qui a pu à nouveau se tenir après 4 ans d’absence du fait de la pandémie. Il a réuni à Madrid près de 450 personnes, originaires de 25 pays différents, pour un temps d’échanges constructifs et de moments chaleureux. Portés par cette volonté de se regrouper et de partager, par-delà les frontières, plus de 10 000 nouveaux participants de tous âges ont bénéficié de nos contenus, de nos ressources pédagogiques et de nos plateformes en ligne grâce à l’Armenian Virtual College (AVC), aux rencontres pour enfants Armat ou aux WebTalks de l’UGAB. Quant à nos programmes phares, ils continuent de croître, de prospérer et de réunir les Arméniens des quatre coins du monde, prouvant que rien ni personne ne pourra briser notre esprit ni terrasser notre soif de vivre.
Alors que cette année s’achève et qu’une nouvelle page de notre histoire va s’ouvrir, il me revient en mémoire les progrès et les succès de notre organisation réalisés au cours des deux dernières décennies. Période au cours de laquelle j’ai eu le privilège et l’honneur de servir notre cause comme Président mondial de l’UGAB. A ce titre, je veux rendre hommage au soutien de nos généreux donateurs, à l’engagement de nos volontaires dévoués et à l’action de nos équipes à travers le monde. Ensemble, nous avons contribué à rendre le monde meilleur. Nous pouvons être collectivement fiers de ce que nous avons accompli car nous avons réussi ce que beaucoup nous disaient être impossible. Que cet esprit vive toujours en nous et continue de nourrir notre insatiable rage de vivre.
Je vous adresse à tous mes meilleurs vœux pour une nouvelle année emplie d’espoir.
Berge Setrakian
Président
Union Générale Arménienne de Bienfaisance